Epreuve de foi

Il était tard, très tard. A l'auberge, au rez-de-chaussée, quelques fêtard buveurs fêtaient tel ou tel évènement. A l'étage, les chambres alentours étaient silencieuses. Dans l'une d'elle, une jeune disciple d'Osamodas, Vanilumi, déplia un rouleau de parchemin fabriqué à base de cuir de Bouftou, attrapa une plume de Tofu fraîche du matin et déboucha une bouteille d'encre de Kralamoure afin d'écrire le résumé d'un évènement extraordinaire qui venait singulièrement de la frapper. Au fur et à mesure des lignes, elle se confia au parchemin comme à un journal ou...un ami. Voici donc ce qu'elles racontaient...



Nous sommes le 2 Jouillier 638. Cette date est extraordinaire et doit rester dans les mémoires car cette nuit, aux alentours de 23h très exactement, le miracle se produisit.

Moi, Vanilumi, jeune fidèle du Dieu invocateur Osamodas, avais passé ma journée à faucher diverses céréales dans les champs de Bonta et d'Amakna, afin de quoi approvisionner les hôtels de vente des différentes cités en pains de toutes sortes, particulièrement en pains aux céréales, très prisés des aventuriers expérimentés. A la fin de ma journée, j'étais harassée de fatigue mais fière de mon travail d'abeille ouvrière. C'était peu mais...c'était aussi beaucoup. Sur la route, quelques malheureuses créatures me tinrent courageusement tête, entre quelques épis de blé et de seigle, mais je sus venis à bout de ma besogne sans trop de mal, du haut de ma toute petite expérience de combattante. Car en effet, je n'en étais encore qu'aux prémices.

Comme tout un chacun le sait, forger son destin en solitaire dans ce vaste monde qu'est celui des Douzes est fort téméraire, voire même impossible. Aussi de multiples guildes coexistaient, recrutant leurs aventuriers sur base de leurs propres critères, convenant aux uns, important aux autres. Ma guilde se nommait "Esprit du Phénix" et les membres que j'y ai eu la chance de rencontrer lors des réunions, ou des rassemblements de beuverie me mirent tout à fait à l'aise.

Le temps a passé depuis, je fais à présent partie des "Anciens" ou "Presque Anciens" sans trop me vanter. Mais je m'égare. Si j'écris cette chronique, ce n'était pas pour parler de moi à la base, mais de la meneuse de cette même guilde. Car celle-ci possédait un enclos renfermant quelques étables où logeaient ces fières mais stupides montures que sont les Dragodindes, l'un des moyens de locomotion sûrs des environs, et assez cocasse il fallait l'avouer. Mais il fallait posséder suffisamment d'expérience pour arriver à les mâter car ces grosses bêbêtes possédaient un tempérament assez...fougueux et parfois même bagarreur, concernant les mâles, les femelles pouvant se montrer totalement indifférente à vos ordres.

Petite parenthèse refermée. Je gaspille l'encre de ma plume de Tofu...et je fais un trou dans mon parchemin en prime...Quelle gourde suis-je !

Donc oui, la meneuse de cette guilde qu'est l'Esprit du Phénix, la dénommée Kirane, également disciple du même dieu que le mien possédait quelques montures de valeur dans ce petit enclos de campagne, à Cania, et souhaitait ardemment que sa femelle, Schneke d'après les borborygmes étouffés que j'ai pu entendre, donne naissance à une Dragodinde mâle. Malheureusement pour cette jeune femme, Schneke ne lui fit échouer que femelle sur femelle...Peut-être ne priait-elle plus assez au temple ? Et ainsi contrariait-elle notre Dieu bien-aimé ? Allez savoir...

Cette soirée fut extraordinaire car, priant de toute mon âme pour que cette Dragodinde mette enfin bas au mâle tant convoité par ma maneuse, celui-ci vit enfin le jour après maintes prières désespérées de ma part en faveur de Kirane. Le Tout-Puissant Osamodas aurait-il entendu ma requête et décidé d'y répondre !? En tout cas, je lui en suis et lui en serais éternellement redevable. Cette nuit encore, j'irais déposer quelques offrandes au temple pour remercier mon Seigneur de sa clémence. Remerciement également aux autres disciples d'Osamodas présents près de l'enclos, ainsi qu'au disciple du Dieu Ecaflip qui a peut-être influencé la naissance de par son jeu de hasard. Qui sait ? Les Dieux nous regardent de là-haut...

A bientôt pour de nouvelles chroniques,
Et bienvenue dans le monde physique, Edward.

Vanilumi.

Vanilumi referma sa bouteille d'encre, pour ne pas gaspiller le fin liquide ébène qui s'écoulait encore de la pointe de sa plume, réenroula le parchemin qu'elle déposa sur sa table de chevet, y déposa sa plume comme unique gardien et s'allongea sous les couvertures. Un Tofu vivant vint bientôt lui sautiller dessus, pour lui mordiller le bout du nez, joueur.

- Tu vois, Nav... Finalement, les Dieux sont encore là pour nous protéger. En espérant que ça ne soit pas qu'un simple hasard.

- Pii ? Pii.

- Bonne nuit, Nav.

Vanilumi déposa ses petites lèvres roses sur le bec de son petit oiseau jaune qui l'avait accompagnée depuis ses débuts, l'enlaça dans ses bras et le coula dans les couvertures avec elle, comme une peluche. "Nav" ne protesta pas, habitué aux allures gamines de sa maîtresse, se coula contre sa poitrine et ferma les yeux en même temps qu'elle. Pour une bonne nuit de sommeil bien mérité...